dimanche 20 décembre 2009

Jouir simple

A la question : "Qu'est-ce qui vous fait rire aujourd'hui ?" Jean-Bertrand Pontalis, philosophe et psychanalyste de 85 ans, a répondu ceci :

"Je n'aime pas beaucoup la dérision ambiante, l'esprit négatif qui s'en donne à cœur joie sans risque. C'est un refus de reconnaître ce qu'on doit aux autres. J'aime bien l'humour, parce qu'il y a de la sympathie pour l'autre dans l'humour. Alors que l'ironie peut faire très mal, c'est une forme de condescendance, de supériorité, qui ne m'est pas sympathique."

Je partage profondément cette pensée. Si nos enfants veulent connaître ce que nos parents ont connu, il faudra absolument retrouver cette insouciance du plaisir. Celui de rire, d'apprécier, sans le jugement prétentieux gonflé par un égo qui ne l'est pas moins. Rire simple, jouir simple.

Evidemment, tout a été fait, et refait, et il sera toujours plus difficile de séduire en innovant, comme faisait un Coluche ou une troupe du Splendid dont la qualité comique a connu un gouffre abyssal entre ses premiers "bronzés" et leur troisième suite, aussi vide que consternante, qui sentait plus les cachets des acteurs que l'appétit des jeunes premiers qu'ils ne sont plus depuis longtemps.

J'ai l'impression de rire moins qu'avant, mes derniers fous rires me semblent loin, les vrais, profonds, irrépressibles. Sentiment général ? Suis-je plus difficile qu'avant ? Moins naïf ? Moins insouciant ? Probablement un peu des trois, mais si ce nouveau siècle veut retrouver les valeurs de son prédécesseur, il devra retrouver la simplicité d'aimer, de vivre, de partager.

Et ceux qui vont le vivre devront se souvenir un peu plus des vents philosophes que de la bulle matérielle dans laquelle ils s'enferment. Des bulles "déshumanisantes" désormais poussées par des courants qui ressemblent plus à des vents de panique, et dont ils se protègent dans leurs univers égocentriques.

Si je partais en terre inconnue, pendant un mois au coeur d'une tribu, j'apprendrais à rire simple, avec ces gens qui remercient encore le soleil, et regardent leur interlocuteur dans les yeux, avec une flamme qui n'arrête jamais de danser dans les leurs. Une soif d'apprendre, de comprendre, de découvrir, de partager, avec l'autre.

La différence est probablement là. Avec l'autre. Et surtout, sans la peur de la gêne, ou du ridicule d'aimer l'autre. Comme si aujourd'hui, aimer l'autre devenait moins important que le juger ou lui trouver un défaut, qui justifierait notre hésitation à lui donner de l'amour, à faire confiance à sa qualité d'être et de coeur.

Il faut aimer. Aimer simple. Jouir simple. Et c'est bien plus complexe qu'on le pense.


Franck Pelé

(retrouvez l'interview intégrale de JB Pontalis, ici : http://www.telerama.fr/idees/jean-bertrand-pontalis-en-analyse-le-silence-est-la-condition-de-la-parole,46264.php)

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