mercredi 4 novembre 2009

J'avais deux amis



Ah les deux monstres sacrés... Ils ont laissé une empreinte aussi forte que leur talent, ils ont fait route commune si longtemps, se sont ressemblés jusque dans la tragédie de leurs destins, croisés pour le meilleur et pour le pire. Et ce n'est pas céder à la facilité de l'expression de l'employer ici.

Dewaere et Coluche sont des piliers de ma vie, de spectateur, d'admirateur, d'artiste en herbe et de grand rêveur. J'ai grandi avec eux, vibré, ri aux larmes, été ému avec eux. Mes parents les adoraient, et si cette admiration a probablement fait bien naître la mienne, elle a grandi, cultivée par ma seule lecture de leur art, de ce talent génial.

J'ai tout pris de ce qu'ils ont donné, tout reçu. Je crois qu'on aime un acteur, un artiste, plus qu'un autre, parce qu'il vous "parle", parce que vous le ressentez comme vous ressentez un meilleur ami, un frère, une femme, un amour. J'ai profondément aimé Patrick Dewaere et Coluche, parce qu'ils m'ont parlé, parce qu'ils m'ont donné cette sensation rare d'être complètement connecté avec leur esprit, avec leur humour, avec leur fureur de vivre aussi. Oui, hier encore, j'avais deux amis...


J'ai découvert Coluche avec les 33 tours de mon père, que je revois pleurant de rire en écoutant "Les interdits de Coluche", ce 33 tours rouge mythique. Je devais avoir 8 ans. Et chaque année, en même temps que mon esprit prenait un peu d'épaisseur, je redécouvrais Coluche, et comprenais encore mieux son humour, son ironie, les non-dits, et surtout, le style génial de ses expressions, qui m'arrivaient aussi parfaitement et entièrement qu'elles avaient été pensées. Petit, j'ai ri à Banzaï et au Maître d'école, autant que j'ai ri plus tard, à tous ses mots d'esprit, un esprit évidemment plus fin que ce qu'il voulait exprimer volontairement grossièrement, et que certains ont préféré prendre pour argent comptant, comme ma grand-mère, qui répète depuis trente ans : Coluche ? Il ne m'a jamais fait rire... Avec sa lessive là... Qu'est-ce qui est drôle ? Ok Mamie, tu ne bougeras jamais là-dessus... Tu reprends du gigot ?
Voilà, Coluche, c'était toutes les insolences jubilatoires de la télé des années 80, c'était celui qui osait tout, c'était Maritie et Gilbert Carpentier, c'était Europe 1, c'était les Césars, c'était Canal, et c'est Denisot qui pleure en annonçant sa mort, sans pouvoir parler plus de trente secondes. Gildas reprenant la suite. Je revenais d'un tennis avec mon pote Thomas, j'avais 15 ans, et j'ai pris une immense claque.

Patrick Dewaere, je l'ai découvert avec "Coup de tête". Film culte, dont la VHS a dû tourner 879 fois dans le magnétoscope de l'époque. On se faisait les dialogues du film entier avec ma soeur. Là aussi, j'ai vu mes parents pleurer de rire devant ce film. Des larmes qui ont joyeusement coulé sur mes joues, moi aussi, à chaque fois que je le revoyais. Puis je suis devenu cinéphile, cinéphage, et j'ai connu Dewaere, toujours plus, toujours mieux, en prenant là aussi, à chaque fois, la puissance de son jeu, de son génie comique, de sa force tragique. J'ai vu tous ses films. Et j'ai lu son histoire. Tragique elle aussi. Et intimement liée à celle de Coluche, son ami, son frère, du Café de la Gare.
Patrick Maurin a commencé le métier à 4 ans. Il était probablement plus fatigué que n'importe quel acteur de 35 ans quand il est arrivé à cet âge. Celui de sa mort. Ceux qui l'ont aimé, qui ont partagé sa vie, parlent tous d'un homme extrêmement sensible, qui est mort, un peu plus, à chaque cicatrice. Il a énormément souffert que le métier reconnaisse d'abord Depardieu, avant lui, qui recevait les propositions de rôle après que "le gros" les ait lues, et refusées. Puis il a souffert de sa séparation, Miou-miou le quitte pour Julien Clerc.

Enfin, en lisant la bio de Mado Maurin, la mère de Patrick Dewaere, on apprend que son fils se serait suicidé après avoir reçu un coup de téléphone d'Elsa, sa compagne et mère de sa fille, partie en Guadeloupe, dans la maison de Coluche, avec qui elle s'installe. Et qui lui dit qu'il ne reverra plus sa fille. En plein tournage d'"Edith et Marcel", Dewaere se tire une décharge de plombs dans la bouche avec le fusil offert quelques années plus tôt par... Coluche.   (voir le lien Wiki sur Dewaere, plus bas).
Incroyables destins, croisés dans la comédie, liés jusque dans la tragédie.

Franck Pelé

Le titre de cet article m'a été inspiré par la chanson d'Eddy Mitchell, avec laquelle j'ai grandi, sortie d'un autre 33 tours mythique de mes parents. A voir ici : http://www.youtube.com/watch?v=CLI5VzL0ex0

1 commentaire:

  1. Coluche, ça me rappelle une anecdote perso. Nous étions en vacances dans les Alpes et nous nous étions liés d'amitié avec un autre couple. Eux étaient super cathos, nous pas du tout. Mais ça n'avait pas d'importance jusque...
    Un jour, nous sommes partis en excursion en autobus vers Suza (Suze) en Italie. C'était le jour de l'attentat de Bologne. A la frontière, les douaniers italiens étaient super excités et bloquaient la circulation. Nous ne savions pas pourquoi.
    Dans le bus, j'étais assis à coté de la dame de l'autre couple et ma femme à côté du monsieur. Pour nous faire patienter (et pour se venger de ce blocage italien), voilà que le chauffeur du bus nous met une cassette de Coluche avec l'élection du pape (Un pape..., un pape...oui, mais un Panzani)
    Après nous être retenus comme on pouvait, nous avons fini par craquer et quasiment mourir de rire. Et eux, une tronche pas possible, le masque.
    Autant dire que nous avons terminé le séjour sans plus jamais nous adresser la parole ! Dommage, ils étaient sympas.

    Gilles

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