Je me souviendrai longtemps de la première fois où j’ai endossé le costume de l’amant. Quoique c’est plutôt le fait de l’enlever qui fait vraiment le statut…
Ma cousine allait fêter ses 30 ans, c’était en 2003. J’étais célibataire, et après avoir été quatre années durant, l’oiseau insaisissable des nuits parisiennes dans lesquelles je travaillais (je m’occupais d’animer la marque « Jack Daniel’s » dans les endroits branchés de la capitale en organisant des soirées avec dégustation, hôtesses et cadeaux estampillés Tonton Jack… THE job…), j’entrais tranquillement dans la logique de mon âge (32 ans à l’époque), en devenant « Brand Ambassador » sur toute la France, pour le whisky haut de gamme, Glenmorangie.
« Ambassadeur de marque » ! Un peu pompeux le titre hein… C’est en fait une sorte de commercial VIP de la marque, qui forme les commerciaux régionaux sur l’histoire et l’élaboration du whisky, ainsi que les barmen des plus belles affaires du pays. C’est comme ça que, de Deauville à Bordeaux, de Rennes à Aix en Provence, de Lyon à Strasbourg, j’ai découvert mon pays comme peu de mes compatriotes auraient la chance de le découvrir. C’est fou comme une école de journalisme peut offrir comme débouchés… (Je suis revenu à mes premières amours, plus tard, en étant auteur).
Contrairement aux a priori qu’elle charrie, la nuit n’avait changé en rien ma nature romantique et sensible, ni n’avait troublé mon regard sur les femmes. Mais elle avait considérablement ouvert la possibilité d’une île, au cours de mon paisible et sensuel voyage de célibataire épris de liberté et d’amour. Et l’expérience appelant l’expérience, je vivais intensément chacune, en étant toujours le même, et en vivant l’histoire d’une nuit comme celle d’une vie, toujours.
J’allais rencontrer la femme qui deviendrait la mienne deux ans plus tard, et je voulais être prêt pour elle, en lui étant aussi fidèle que ma philosophie m’y invite, et en vivant donc absolument mes années de liberté, celles que mes parents n’ont pas eu le temps de vivre, et qui les ont séparés.
2003 donc… La meilleure amie de ma cousine me contacte. Elle m’écrit pour me parler de l’anniversaire surprise qu’elle lui prépare. Je lui rends hommage sous ma plume en lui disant que ma cousine avait bien de la chance d’avoir une amie comme elle. Puis, très vite, je sens que ces mots sont autant d’invitations à lui plaire. Elle me demande si je me souviens d’elle, que je l’avais vue il y a une dizaine d’années, on était ados, qu’elle se souvenait parfaitement de moi… Bon, je ne vais pas faire l’innocent, ça sentait un peu le cul cette histoire… Je sentais bien que je lui plaisais plus que de raison. Et, petit grigou que je suis, au lieu de calmer le jeu, j’entrais dans le sien, en arrosant des sens la flamme qu’elle essayait de faire danser. L’incendie allait être d’une puissance incontrôlable.
Elle (je ne la prénomme pas, par respect pour son intimité) était mariée, depuis quelques années, et avait une fille de deux ans. Très vite, les mots brûlants, son envie de me faire rencontrer « les plus beaux seins du monde » (avouez que c’est alléchant), mon intention de ne pas être raisonnable, assez égoïstement, j’en conviens, même si la dame a toujours eu les clés du choix en sa possession, allaient proposer une rencontre. C’était sur les Champs-Elysées, rue de Berri plus exactement. Dans un tailleur impeccable, assez sexy, aussi généreuse que pulpeuse, pas exactement mon style de femme physiquement, mais une jolie invitation au plaisir épicurien.
On entre dans ce restaurant – bar, l’Impala Lounge, une petite table, assis l’un en face de l’autre, ses yeux qui pétillent, les miens qui essaient d’ignorer ce décolleté qui semble hurler mon prénom. C’est la première fois de ma vie que je deviens comme un de ces personnages que je n’avais vus auparavant que sur grand écran, ou petit, un amant. En puissance en tout cas puisque j’ai alors bien conscience que je prends un verre avec une femme mariée, qui n’est plus du tout heureuse dans son couple, et qui retrouve son éclat par ma seule présence dans sa vie. Comment ne pas y être sensible…
Je me pose quand même la question, intérieurement, pendant qu’elle frotte légèrement sa jambe en remontant sur la mienne dans un sourire plus efficace que le résumé d’une nuit possible, de mon comportement, de celui que je dois avoir, que je devrais avoir. Suis-je égoïste en ne prenant pas à sa place les responsabilités qu’elle veut fuir ? Dois-je culpabiliser de cueillir cette fleur qui me proclame soleil ? Puisque je sais, déjà, qu’elle n’est pas celle pour qui j’ouvrirai mon jardin ? J’ai probablement été aussi libre que négligent. Mais honnête, sincère, transparent, je l’ai toujours été.
C’était un mercredi soir. On se quitte, je l’embrasse dans le cou, sorte de mi-chemin entre ce qu’elle attendait et ce que j’allais lui proposer pour lui dire au revoir, et je rentre chez moi, dans mon appartement de célibataire. Le vendredi, veille de l’anniversaire, elle m’appelle : « Mon chéri, je suis près de chez toi, je peux venir t’embrasser… ? ». Je reste deux secondes silencieux, et lui dis « écoute, si il devait se passer quelque chose entre nous, je veux que tu saches que si j’en ai envie, je ne pourrais me permettre de le cultiver, ça ne pourrait pas continuer, c’est trop compliqué cette situation, et si j’aime être un amant dans le sens romantique du terme, pas vraiment dans son sens coupable. »
- Ok pour moi, je le regretterai toute ma vie si je ne le fais pas maintenant…
- D’accord. A tout de suite… »
Elle arrive, entre, enlève son manteau, se précipite dans mes bras, on s’embrasse, bientôt nus. Je ne sais pas quel est le sentiment qui domine entre l’excitation de découvrir une nouvelle expérience sensuelle, amoureuse, et orgasmique et celui qui, comme un petit ange sur l’épaule, te souffle de ne pas prendre ce chemin…
Nue dans mes bras, après quelques caresses, je la sens un peu hésitante, comme si elle se demandait si je n’allais pas profiter d’elle. Je ne voulais vraiment pas qu’elle pense une telle chose, et puisque ma sensibilité a la chance d’être féminine, j’en profite pour lui dire que je pense savoir ce qui la freine. Je lui dis que je ne veux rien lui voler, je ne prendrai que ce qu’elle me donne. C’est ce qu’elle attendait. Son sourire refleurit, et son corps s’ouvre à nouveau…
Samedi soir. Anniversaire surprise de ma cousine donc. Ma mère me dit : « On se retrouve chez elle.
- Heu… ah bon ?
- Oui, oui, on doit se cacher chez elle avant d’attendre dans le restaurant.
Et là, donc, une scène assez surréaliste, j’arrive chez elle, en me voyant, elle éclaire toute la pièce de son regard, jusqu’au front de son mari qui vient me serrer la main. C’est là que je me suis vraiment senti amant. Tout beauf que sa femme voulait bien le décrire, je serrais la main d’un homme avec l’épouse duquel je venais de faire l’amour la veille… Pas très bien dans mes pompes, mais bon, c’était la seule et unique fois, donc, je restais sur cette idée pour rester fort.
« Qui va chercher le champagne dans la voiture ? Elle se propose, et me dit : « Franck, tu viens avec moi ?
- Heu… oui, bien sûr ! »
Dans l’ascenseur, elle me demande si elle me plaît, et me dit qu’elle m’aime ! Là, je commence à sentir que tout peut se barrer en sucette assez rapidement… De mon côté, je passais la soirée avec Magali, avec qui j’étais sorti quelques années plus tôt, à chaque fois qu’on se retrouvait, célibataires, on dormait ensemble… La surprise passée, ma cousine ravie, commence le show de Madame. Il faut savoir qu’elle ne supporte que très peu l’alcool. Et sous l’effet de la richesse de la soirée, elle avait déjà descendu cinq coupes de champagne… Quand je parlais à Magali, elle surgissait entre nous, et disait dans un sourire étrange « Attention vous deux, je vous ai à l’œil ! » Magali me demande ce qu’elle a. « Je t’expliquerai… » Puis, ma mère vient vers moi… « Tu sais ce qu’elle vient de me dire aux toilettes ? Elle m’a demandé si ça me plairait qu’elle soit ma belle-fille… »
Sale temps.
Puis elle se frotte à moi, à chacun de ses passages entre les tables, devant son mari. Je décide de partir parmi les premiers. Je dis au revoir à tout le monde, je dis à Mag de me rejoindre à la maison un peu plus tard, avec sa voiture. Je monte dans la mienne, on est une dizaine à partir. Et là, ses plombs sautent.
Alors que j’entame une marche arrière pour sortir du parking, je la vois dans mon rétro sortir du restaurant, courant en talons, hurlant mon prénom, en disant qu’elle veut partir avec moi, le tout devant tous les invités, sur le trottoir, totalement incrédules !!!
Pendant que mon beau-père s’étouffait de rire devant une telle scène, elle arrive à monter dans ma voiture, et me dit :
« On s’en va, roule chéri !!!
- Non --------- on ne s’en va nulle part, tu es mariée, on a vécu ce sur quoi on était d’accord, et je ne suis pas d’accord pour que ça glisse comme ça là… Descend ----- s’il te plaît, tu as trop bu, repose toi, va retrouver ta fille et ton mari, et on s’appelle demain. D’accord ? »
Après quelques palabres, elle accepte de descendre, ma cousine jouant la diplomate…
4h du matin, chez moi, après avoir fumé la cigarette d’après l’amour, on se couche, Magali et moi. Soudain, on frappe au volet de ma cuisine ! A 4 heures du matin ! Et la cuisine est dans le jardin !! « Qui c’est ? » demande Mag un peu affolée ? Je comprends immédiatement… : « A ton avis… »
C’était elle. Elle avait escaladé le portillon du jardin, en tailleur, et frappait à toutes les fenêtres. Je n’ouvrais pas. Ne répondais pas mon téléphone. Puis elle sonne à mon interphone. Mais en laissant le doigt appuyé au moins 5 minutes sur le bouton qui fait un bruit d’enfer ! Et là, je vous jure que c’est très long 5 minutes… Puis silence de deux minutes… Puis elle sonne encore, encore plus longtemps ! J’ai l’impression d’avoir Glenn Close dans le couloir ! Elle ne sait pas que Magali est là, et je ne veux pas lui ouvrir, de toutes façons. Elle est complètement ivre, pas que de champagne certes, mais surtout. Ma cousine appelle. Je réponds. Son mari la cherche partout, et il veut savoir si elle est chez moi. Je réponds non, mais elle est dans le couloir. Je lui dis que je ne veux pas ouvrir, et que j’appelle les flics. Ce qui rassure le mari, superbe paradoxe…
Elle a réveillé tout l’immeuble. Tout le monde est d’accord, il faut appeler les flics, il n’y a que ça à faire. J’appelle donc la police, qui, bizarrement, connaît ce genre de situation, alors que pour vous, ça paraît absolument incroyable… Et on attend. Elle sonne, elle sonne, elle frappe. Un voisin, excédé lui ayant probablement ouvert. Elle sonne à ma porte maintenant. Puis frappe, et crie mon nom, et l’amour qui va avec.
Puis on entend le claquement des portes dehors. Une voiture. Des voix. On parle dans le couloir. On lui parle. Puis plus rien…
Le lendemain matin. Elle m’a appelé pour s’excuser. Je ne lui en ai évidemment jamais voulu, et j’étais forcément un peu responsable de cette situation, même si je n’avais été que l’élément déclencheur. Elle a en effet divorcé dans la foulée, s’est remariée, et a eu deux autres enfants. Nous ne nous sommes recroisés qu’une seule fois, quelques mois plus tard, et ses yeux criaient plus forts que le silence qu’elle avait choisi. Je ne l’ai plus jamais revue.
Cette nuit-là, les policiers sont entrés dans le hall. Elle était assise sur le paillasson, la tête posée contre ma porte :
« Que faites-vous ici Madame ?
- Il y a l’homme que j’aime derrière cette porte
- Il ne veut pas ouvrir Madame, votre mari vous attend, il faut y aller. Vous réveillez tout le monde là… On va vous aider… Venez. »
C’est quand même très dur, presque violent, la façon dont nous avons dû gérer cette histoire. Mais personne n’aurait pu faire autrement.
L’amour est parfois imprévisible. L’alcool aussi. Elle n’a plus jamais bu une goutte. Je n’ai plus jamais été amant.
Franck
Moi j'ai été l'amant d'une femme dont le mari était dans la sécurité informatique. Au bout de trois mails échangés, il savait qui j'étais ce que je faisais et ou j'habitais. Il m'a d'ailleurs appellé pour me dire de cesser toute relation et dans la foulée il a appellé ma femme parceque... il savait qui elle était, ou elle travaillais etc...
RépondreSupprimerOh My!!!
RépondreSupprimerMais quelle horreur.