Certains matches sont comme certains films, ils vous marquent à vie. Et participent au caractère éternel d’une passion qui n’aurait su mûrir sans émotions extraordinaires. Le Paris Saint-Germain – Real Madrid du 18 mars 1993 fait partie de ces matches fantastiques, uniques, dont on n’aurait pu mieux écrire le scénario s’il avait fallu le rendre aussi imprévisible qu’un Hitchcock, aussi jubilatoire qu’un Billy Wilder. Retour sur LE match de l’histoire du PSG.
Mon nom de famille étant Pelé, je suis tombé dans le foot dès la naissance. J’avais d’ailleurs un tantinet la pression quand je me suis inscrit à mon premier club de foot. Chaque année, c’était la même : « - Pelé ? Le Pelé blanc ? - Oui, oui, voilà, c’est ça… » Bon, je n’ai pas eu un millième du palmarès du Pelé noir, mais pour rien au monde je n’échangerais mon diplôme de « Champion d’Ile de France de Football » saison 81 – 82, j’en étais fier comme si j’avais gagné la Coupe du Monde !
La Coupe du Monde justement, c’est là que la baguette magique du foot m’a touché. Même si mon premier souvenir de football à la télé remonte à la finale de la Coupe de France, Nice – Nancy de 1978, victoire de Nancy au Parc, avec un but de Platini, poteau rentrant ! J’ai regardé ce match à Arbonne, dans la maison de campagne de mes grands-parents. Je me souviens aussi des matches de qualification pour le Mundial espagnol, avec un France – Hollande (bizarrement à l’époque, on disait la Hollande, c’est après que la mode a voulu que « Pays-Bas » sonne mieux, un peu comme les doubistes en parlant de Sochaux, devenus subitement les doubiens l’année dernière…). On gagne 2-0 , coup-franc somptueux de Platoche, et but de Didier Six. Mais c’est la Coupe du Monde en Espagne qui allait me piquouser à vie.
Je me souviens de tous les matches, de l’égalisation de Gérard Soler lors du France – Angleterre inaugural, qu’on perdra 3-1, de la toile d’araignée enlevée de la lucarne par Genghini grâce à un coup-franc d’anthologie contre l’Autriche, d’Amoros qui sauve son équipe sur sa ligne en fin de match contre la Tchécoslovaquie (Panenka jouait encor e !), du but de Giresse de la tête contre l’Irlande… bref. Et surtout du match du siècle, le France – Allemagne de Séville. En fait, si Kombouaré n’avait pas marqué à la 96ème minute de PSG – Real, j’aurais probablement eu la même sensation horriiiible d’injustice !
On aurait dû jouer la finale de la Coupe du Monde 1982, on l’aurait peut-être même gagnée (ou perdue sur un penalty imaginaire obtenu par Paolo Rossi à la 89ème…), Schumacher aurait dû prendre un rouge pour son agression sur Battiston, et penalty pour les Bleus, à 3-1, on aurait dû fermer la boutique derrière et on finit sur ce score, avant la séance de tirs au but (qui ne s’appelait pas encore comme ça), on sort Ettori et on fait entrer Baratelli qui nous envoie en finale. Bref. On aurait rejoué ce match mille fois, on allait en finale 999 fois. Oui mais voilà, on ne l’a joué qu’une fois, et on l’a perdu, parce que le scénario avait été écrit par une main allemande. Je ne vois que ça…
Depuis ce match, rayon grandes émotions, on avait vibré très fort à la Coupe du Monde 86, et au France – Brésil de Guadalajara, et au niveau club, comme tout le monde, si je voulais voir des buts, je mettais Canal, commentaires Biétry – Denisot, et on regardait l’OM de Papin et Waddle. Match de Coupe d’Europe au Vélodrome ? Le tarif, c’était deux buts, minimum. Et oui, on peut être un pro parisien, souhaiter une défaite des marseillais à chaque match aujourd’hui, même en Coupe d’Europe, et avoir vibré pour Magic Chris, Enzo Francescoli et les Papinades.
Il me semble quand même que Paris, je l’ai toujours eu en moi. J’étais devenu supporter du PSG à vie après ce PSG – Real, certes, mais depuis que Canal avait injecté l’argent nécessaire à la construction d’une belle équipe, au début des années 90 , je chauffais régulièrement mon siège au Parc. Et l’année de France – Allemagne, déjà, les exploits de la bande à Borelli gagnant la Coupe de France en finale contre les Verts de Platini m’avaient ému comme il fallait.
Bon, pardon pour la longueur de l’intro, mais vous savez pourquoi j’aime le foot maintenant, quels matches m’ont ému, porté, traumatisé, bouleversé.
Paris Saint-Germain – Real Madrid n’est pas le moins riche en ces sentiments divers.
Le 18 mars 1993 a donc lieu à Paris, au Parc des Princes, le match retour du quart de finale de la Coupe de l’UEFA entre Paris SG, et le prestigieux Real Madrid. Vainqueurs à l’aller 3-1, les espagnols sont favoris, même si la cote des parisiens est déjà très haute depuis quelques matches, notamment le match aller, beaucoup plus serré que le score ne l’indique. Madrid ne menait en effet que 2-1, avant que Roche ne soit expulsé pour une main dans la surface (sévère…). Penalty. Lama détourne le penalty… dans les pieds de Michel, le madrilène, qui a bien suivi. Dur, très dur… En même temps, la suspension de Roche entraîne la participation de Kombouaré au match retour, enfin je dis ça, je dis rien…
Paris, donc. Match retour. J’ai mon précieux sésame depuis les premières minutes de la mise en vente, l’ambiance est folle, incroyable, électrique. Après coup, on se dit qu’on pouvait sentir dans l’air cette électricité inhabituelle, cet air d’extraordinaire qui flottait au dessus du Parc. Jamais le Parc n’a été aussi explosif, aussi festif, aussi bruyant. Un vrai stade de foot.
Cette année-là, Paris avait probablement la plus forte équipe de son histoire. A chaque poste, il y avait un monstre, même Colleter ou Sassus, aujourd’hui, joueraient en Angleterre. En fait, si l’arrêt Bosman était arrivé plus tôt, Paris n’aurait jamais eu cette équipe (et l’OM n’aurait jamais gagné la Ligue des Champions…). Lama et Ginola auraient joué à Arsenal, Valdo et Weah au Milan, Le Guen et Ricardo à Barcelone, Bravo et Guérin à Newcastle, etc…
Si Paris gagne 2-0, on élimine le Real.
Le match commence comme dans un rêve. But de Weah sur corner, le stade explose. Mais la peur commence à gagner doucement les cœurs les plus optimistes. C’est dur, les espagnols tiennent le match, c’est très solide derrière, on se dit que seul un exploit… Et puis Weah, soulève légèrement le ballon, comme pour jongler, petit extérieur du droit sur Bravo, qui met de la tête en retrait pour celui que les espagnols surnomment El Magnifico depuis le match aller, David Ginola… Demi-volée… Sous la barre !! Buyo aux fraises, le Parc hurle son plaisir !
Il faut tenir… Valdo, après une feinte mémorable qui met son défenseur dans le vent, met le troisième ! Plus rien ne peut arriver aux parisiens… Mais le précédent de Séville fait que, pour les français, plus que pour quiconque, rien n’est jamais fini… 94ème minute… Coup-franc pour le Real… et but de Zamorano ! Aaaaaarrrgghh… C’est pas vrai !!!! On va droit aux prolongations, et vu le coup au moral, tout le monde voit la fin de l’histoire arriver… Mais ce brave Mr Puhl se plaît bien sur la pelouse du Parc, et ne siffle toujours pas… 96ème minute, coup-franc pour Paris. Sur Canal, à cet instant précis, Platini, consultant, dit à Charles Biétry et au regretté Thierry Gilardi, « …et ben voilà le 4ème but… » . Ah la science du jeu, on l’a ou on l’a pas…
Le Guen monte, Ricardo monte, Kombouaré aussi….. et chppppaaaaaaooooowwwwwwwwmmmmm brrraaaaaoooooouuuuuummmmmmmm l’explosion, l’orgasme collectif, l’inimaginable, jamais le Parc des Princes n’aura fait autant de bruit !!!! Un mec de 120 kilos, au bas mot, que je n’avais jamais vu de ma vie, me soulève de joie, comme si j’étais la mascotte du club, je ne touchais plus le sol au propre comme au figuré…
Coup de sifflet final, Paris élimine Madrid, et sera éliminé par la Juve au tour suivant.
Le club de la capitale se qualifiera 5 fois de suite pour les demi-finales d’une Coupe d’Europe. La prochaine fois que je vibrerai comme ça dans un stade, ce sera pour PSG – Barcelone, Guérin donne la victoire, puis France – Paraguay à Lens, Coupe du Monde 98, but en or de Laurent Blanc, on entendait une mouche voler à Bollaert avant le but, puis France – Italie 98, en quart, j’étais derrière les buts de Barthez pendant la séance de tirs au but…
Depuis on a vieilli, un peu, oui, peut-être, perdu notre insouciance, probablement… mais on a surtout perdu nos meilleurs joueurs à cause d’un arrêt juridique, l’arrêt Bosman, qui empêchera probablement les futurs supporters parisiens de connaître une soirée comme celle du 18 mars 1993, définitivement magique et éternelle.
Franck Pelé
J'avais beaucoup de boulot cet après-midi. Je n'aurais a priori pas du prendre 5 minutes de mon temps pour replonger dans cet enivrant souvenir… eh bien je l’ai fait quand même parce que tu m’y as poussé. Impossible de résister ! Comme un ancien alcoolique à qui on aurait mis un verre sous le nez…On ne refuse pas un récit de PSG / Real ! Putain qu’est ce que c’était bon…. Et moi qu’étais en tribune Boulogne avec mon pote Toni, supporter du Real. Ce con, qui se lève comme un seul homme sur le but d’Ivan l’hélicoptère, j’ai cru qu’il allait se faire égorger !
RépondreSupprimerC’est pour la vie ce moment là. Merci
Fifi