Une amie commune nous lance un sujet de conversation :
On se demandait pourquoi nos générations avaient plus besoin d'"extrême" que les générations de nos parents ou grand-parents (saut en parachute, pétards, grosses teufs, vitesse, sports fun...) Moi mes parents c'est des mesurés de l'extrême, rien de tout ça et pas envie. Moi, je dis pas que j'ai envie de mourir d'une overdose mais ça m'amuse d'aller à donf quand je skie, de fumer un peu de pétard parfois pour me marrer encore plus, d'aller au bout du monde au lieu d'en Alsace... c'est le progrès qui donne une marge de manoeuvre plus grande aux envies? Mon chéri dit qu'on a des vies trop lisses, qu'on n'a pas peur d'avoir faim ou de mourir, alors on a envie de se créer des émotions de toutes pièces... voilà, quelle est votre théorie ?
Ma réponse :
Plus que les générations, je crois que c'est surtout certaines catégories sociales, ou certains fruits de certaines éducations qui sont plus ou moins attirés par l'extrême et la sensation forte. Les générations de nos parents n'ont rien à envier à ce que pouvaient proposer les années 60 ou 70, en terme de drogue, libération sexuelle ou sensations extrêmes dûes au progrès, déjà. Parce que rouler sur l'autodrome de Montlhéry, sans la sécurité d'aujourd'hui, dans des Ferrari 250 GTO qui tapaient le plus de 200, que si tu te loupes au freinage tu te loupes pas à l'enChristage, c'était tout aussi dangereux, sinon plus que sauter en parachute.
Les premiers pas du ski, de la voiture, de la moto, de l'avion, c'était du risque extrême. Et si le saut à l'élastique avait existé en 58, tes parents n'en auraient pas plus fait, et ceux de 58 qui auraient rêvé d'en faire, en auraient fait, et plutôt deux fois qu'une, après avoir pris du LSD ! Le "No limits" était bien plus costaud, je pense, à l'époque, qu'aujourd'hui. La drogue par exemple, était prise dans une espèce d'inconscience du danger incroyable, on l'a encore vu dans l'excellent documentaire passé sur France 3 la semiaine dernière, sur les années 70 "déshabillées". Une ancienne hippie expliquait que la moitié de ses amis de l'époque étaient morts d'une overdose. A côté de ça, la drogue était prise dans un esprit festif et collectif qui tutoyait déjà l'extrême. Woodstock en est l'illustre exemple.
Aujourd'hui, si on voulait refaire woodstock, ce serait pratiquement impossible, dans un siècle où tout est surveillé, limité, soumis aux lois, analysé, un siècle qui continue de pâtir de la comparaison avec son prédécesseur où tout a été fait. Et quand tout a été fait, et bien fait, ou presque, il ne reste plus qu'à refaire, copier, sampler, ou aller plus loin. Donc là, oui, aujourd'hui, on cherche à aller plus loin, et la technologie comme l'argent le permettent. Mais générationnel, je ne suis pas persuadé. Même si la musique n'est pas une sensation extrême, quoique, elle est aussi un formidable miroir de ceux qui l'écoutent. Mes parents ont eu 20 ans à l'époque où on fumait de l'herbe à Woodstock, où on écoutait Jimmy Hendrix, The Doors et Janis Joplin, et où on faisait des courses de voitures à la James Dean la nuit. Chez mes parents, on n'a jamais fumé un pétard, on écoutait les Beatles et Aznavour, et, bon, mauvais exemple, même si c'était pas la nuit, on faisait des courses de voiture (mon père, pilote, encore aujourd'hui pour son plaisir)
Après, je suis d'accord avec ton mari sur la lissitude des vies qui fait qu'on a besoin de toujours plus pour se griser. Avant, partir à Maurice ou en Guadeloupe, c'était l'aventure, avoir des enfants, monter une entreprise, acheter une maison, ça sentait bon la liberté et l'expérience positive. Aujourd'hui, on clique, on prend l'avion, on profite, et on oublie très, trop, vite, on a des mômes et on a plus, ou presque, la sérénité du siècle d'avant pour en profiter, ni le temps que le capitalisme libéral a bouffé, et quand on construit une maison ou une entreprise, c'est surtout autant une source de stress et d'inquiétudes en tout genre quant à la viabilité du projet à long terme. (attention la phrase qui vient pourrait choquer les bien-pensants et autres abonnés à Questions pour un champion...) Bref, quand avant, on bandait dur à la seule idée de faire le Route 66 en Harley, aujourd'hui, la route ayant perdu tout son charme, et la Harley de sa rareté intouchable, la seule perspective orgasmique qui se présente à nous revêt la toile d'un parachute ou d'un delta-plane, ou une combinaison de plongée ou de pilote. Et quand tu es milliardaire comme Richard Branson, c'est une combine d'astronaute qui peut encore nourrir ta soif d'extrême.
Et votre théorie à vous ? (dans les commentaires ou par mail, je publierai avec plaisir !)
Franck Pelé
Et si finalement tout ça n'était qu'une question d'ennui ? Peut-être que vivre l'extrême c'est un moyen de pallier le vide.
RépondreSupprimerQu'aurait fait Emma Bovary pour combler la vacuité de ses journées si elle avait vécu au XXIème siècle ? Peut-être qu'elle aurait sauté à l'élastique, qui sait...
mais alors, tout le monde s'emmerde au XXIème siècle...?
RépondreSupprimerPas loin oui... Ca se remarquerait presque...
RépondreSupprimerMais bon, au diable la baissage de bras, ne nous laissons pas envahir par le doute, et luttons contre le pessimisme ambiant !
Tous dans le Larzac avec des chèvres et du chanvre !
Le premier qui fume une chèvre a perdu.