vendredi 24 juillet 2009

C'est quoi, être impertinent ?


Que pensez-vous des chroniques de Stéphane Guillon ?

Frédéric Taddeï : Je ne les écoute pas assez, mais, pour moi, Stéphane Guillon n'est pas quelqu'un de choquant. Il n'est pas difficile de prendre parti pour la défense des immigrants clandestins. Tout le monde éprouve de la sympathie pour eux, on est donc du bon côté de l'émotion. Là où il dérange, c'est quand il est « méchant », comme dans sa chronique sur Dominique Strauss-Kahn [avec ses allusions appuyées à la libido du directeur du FMI, NDLR].
Vous revendiquez la « méchanceté » de cette chronique ?

Stéphane Guillon : Non, pas celle sur Strauss-Kahn, mais celle qui a suivi, sur Jean-Michel Apathie, oui : pour la première fois de ma vie, j'ai écrit une chronique foncièrement méchante. J'ai voulu lui montrer ce que c'était, la méchanceté, pour qu'il voie la différence avec DSK, mais l'énoncé de ma chronique n'était pas assez clair. Du coup, mes détracteurs s'en sont servis contre moi.

F.T. : Pour moi, le type le moins consensuel à la télévision, le seul à prendre des risques considérables, c'est Eric Zemmour chez Laurent Ruquier, sur France 2. Comme Stéphane, il dit « je », ce qui est déjà une posture difficile, mais, en plus, ce n'est pas dans le but de faire rire, mais pour asséner des convictions. Eric Zemmour est transgressif parce qu'il prend les sujets émotionnels à rebrousse-poil et y réintroduit de la logique, de la froideur, du raisonnement. Il se place du côté de la gestion pragmatique de l'Etat. Pas du côté de la fibre sentimentale.

N'avez-vous pas l'impression que c'est devenu une posture chez lui de s'opposer à tout ce qui peut faire consensus ?

S.G. : Il est devenu un peu la caricature de lui-même.
F.T. : En poussant l'exercice aussi loin, il est devenu un personnage. C'est sans doute une logique un peu suicidaire.

On a l'impression aujourd'hui qu'il est plus transgressif de s'en prendre à Michel Drucker qu'à Nicolas Sarkozy ?

S.G.
: En France, le rire est devenu une industrie. Des gens comme Gad Elmaleh ou Dany Boon vendent un million de DVD, d'autres comme Franck Dubosc ou Florence Foresti remplissent des Zénith. Pour en arriver là, il faut accepter de faire de la promotion partout à la télévision et de ne se fâcher avec personne. Il est rare d'entendre ces gens-là expliquer que ça les emmerde de passer chez Drucker et que son émission n'est qu'un ramassis de vieux. Résultat, on en arrive à une forme de rire de plus en plus aseptisé.

article en intégralité ici : http://television.telerama.fr/television/c-est-quoi-etre-impertinent,45452.php

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire