Claude Aguttes, directeur éponyme de la maison d'enchères de Neuilly, décrypte le comportement des acheteurs de la vente Bergé-Saint Laurent. Celle-ci a atteint un montant record de 206 millions d'euros dès le premier jour d'enchères, et se poursuivra jusqu'au 25 février. L'acheteur de la toile de Henri Matisse Les Coucous, tapis bleu et rose, estimée entre 12 et 18 millions d'euros, en a déboursé 32 millions.
Qui sont les acquéreurs des œuvres de la collection Bergé-Saint Laurent ?
Aujourd'hui, le marché est complètement ouvert sur l'international. Il s'agit des dix Américains, des vingt Russes, des quinze Indiens,... des deux cents grandes fortunes de la planète qui sont toujours présentes lors de ce type de vente. Ce ne sont pas des acheteurs occasionnels, qui se permettent un coup de folie. Ces gens-là ont une fortune qui dépasse ce qu'on peut imaginer, et leur budget est totalement illimité.
Comment enchérissent-ils ?
Ils ont tous fait le déplacement au moins une fois pour voir les œuvres. Lors de la vente, la moitié au moins est sur place, ou représentée par des courtiers, l'autre est au téléphone. On cherche à se faire le plus discret possible : ceux qui achètent par téléphone sont souvent cachés dans la salle pour ne pas être filmés ou photographiés. Tous préfèrent rester anonymes : ce genre d'acquisition fait beaucoup de jaloux, entraîne des contrôles fiscaux, pose des problèmes de sécurité.
Ces acquéreurs sont-ils des amateurs d'art, cherchant à enrichir une collection privée ? Ou souhaitent-ils plutôt réaliser une plus-value ?
Une certaine sensibilité artistique est nécessaire, mais la plupart des acheteurs possèdent déjà tellement d'œuvres qu'il leur est impossible de les apprécier toutes à leur juste valeur... Certains achètent des collections entières qu'ils exposent dans des appartements ou des bateaux sur lesquels ils passent trois jours par an. Une telle fortune mène parfois à une boulimie acheteuse, qui ne correspond plus vraiment à la démarche d'un vrai amateur.On ne peut pas vraiment parler de spéculation dans la mesure où le but n'est pas de revendre le mois prochain des œuvres achetées aujourd'hui. Tout le monde connaît la valeur d'achat de l'objet, donc le revendre plus cher n'aurait pas de sens, sur le court terme. En revanche, il est certain que si l'œuvre est revendue un jour, compte tenu de sa qualité, ce sera un événement ! Les personnes qui les achètent le font de façon instinctive. Ce sont des acheteurs judicieux : ils investissent dans des œuvres si précieuses qu'elles ne peuvent pas perdre leur valeur.
Le contexte de crise économique ne nuit-il pas au marché de l'art ?
Si on a des objets de qualité à vendre, on trouvera toujours preneur. L'inquiétude vient plutôt des vendeurs, qui pensent qu'ils devraient attendre des jours meilleurs pour écouler leurs collections. Ils ont tort : dans les périodes difficiles comme celles que nous traversons, ceux qui ont de l'argent préfèrent acheter des tableaux plutôt que des actifs financiers dont la valeur n'est pas assurée. Sur le marché de l'art, la crise est moins sensible car les valeurs sont plus sûres.
Interview de Pierre Bergé : http://www.lemonde.fr/culture/video/2009/02/24/pierre-berge-je-fais-la-vente-car-je-n-ai-pas-pu-creer-de-musee_1159488_3246.html
Il y avait vraiment de belles oeuvres dans cette collection !
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